Premiers résultats du projet de recherche “RIO-PME” entre le CEA et TBS Education
TBS Education étudie les rôles et les impacts émergents du nouvel outil d’innovation ouverte du CEA, le Y.SPOT, afin d’améliorer la collaboration entre les organisations de recherche technologiques et les PME.
Les PME sont vitales pour la croissance économique : elles représentent une part majeure de l’emploi total, de la création d’emplois et du PIB dans les économies développées et émergentes. Un tissu de PME robuste et sain est un terrain nécessaire à une croissance pérenne.
Exemple de l’Union Européenne (UE), en 2020 (1)
L’intensité technologique est le niveau de connaissances incorporé dans les produits des entreprises. Il est généralement mesuré en divisant les dépenses moyennes de R&D par les revenus de l’entreprise (OCDE)(2).
PME dont <3 % du chiffre d’affaire annuel est investi en R&D. Ces PME favorisent les collaborations avec les entreprises plutôt qu’avec les instituts de recherche.
PME dont >5% du chiffre d’affaire annuel est investi en R&D. Ces PME privilégient les collaborations avec des entreprises et des instituts de recherche et présentent ainsi une forte intensité technologique(3).
On note l’existence d’une troisième catégorie de PME appelées “low to medium tech” qui investissent entre 3et 5 % de leur CA en R&D. Cette catégorie n’est pas étudiée dans cet article
Le contexte industriel est défavorable aux PME traditionnelles. On observe une forte dégradation des conditions économiques (augmentation des coûts et baisse des revenus) ainsi qu’un impact négatif de la crise sanitaire liée au COVID-19 (baisse des ventes, perturbation des chaînes d’approvisionnement). Les principales préoccupations des PME se sont déplacées vers la recherche de clients et la résolution des problèmes liés à la pandémie.
Pour atténuer l’impact de la situation économique, certaines PME ont temporairement cessé leurs activités tandis que beaucoup ont sollicité des mécanismes de soutien auprès d’intervenants nationaux, régionaux et locaux (i.e., les gouvernements).
Suite à la pandémie, les PME sont majoritairement préoccupées par la recherche de personnel qualifié, les flux de production et les coûts de production (notamment dus aux coûts de l’énergie). Cependant, les PME du secteur technologique affichent une croissance plus élevée de la contribution à la valeur ajoutée et à l’emploi que les PME traditionnelles(4).
Performances des PME entre 2020 et 2021 : PME technologiques vs. traditionnelles
Malgré les politiques de soutien à l’innovation pour les PME, les PME traditionnelles restent hésitantes à s’engager dans des programmes d’innovation. L’incertitude et les difficultés à intégrer les outils limitants.
Les PME traditionnelles ont sous-performé en 2020 (la valeur ajoutée a chuté de 8 % avec une baisse de l’emploi de 1,9 %) par rapport à celles du secteur technologique (avec une baisse de la création de valeur ajoutée de seulement 0,5 % et une augmentation de la contribution de l’emploi d’environ 1,5 %).
Les stratégies de l’UE (aussi récentes que 2020), et les politiques nationales, comme :
visent à développer et à capitaliser sur le potentiel d’innovation des PME. Il s’agit concrètement de combler le déficit de financement de la recherche et de l’innovation à un stade précoce et à haut risque, et de stimuler le l’innovation pour les PME(7).
Les stratégies publiques spécifiquement conçues pour stimuler l’innovation dans les PME semblent se confronter à un plafond de verre. Les PME traditionnelles, bien souvent bâties sur de forts héritages culturels, apparaissent réticentes à s’engager dans ces programmes de soutien.
La peur de perdre leur héritage tout en poursuivant des opportunités en dehors de leurs secteurs traditionnels explique en partie la réticence des PME à adopter des outils technologiques. D’autres obstacles peuvent être des capacités d’investissement limitées et des niveaux élevés d’incertitude (reflétant un manque général de sensibilisation aux gains potentiels de l’adoption d’outils technologiques)(8).
Les PME traditionnelles choisissent de remplacer la R&D par d’autres pratiques de gestion de l’innovation telles que les ressources humaines, le travail collaboratif et la coopération avec des partenaires externes.
Beaucoup d’efforts de l’UE et de ses pays membres sont engagés sur des financements massifs des phases de R&D pour soutenir l’innovation de ces PME. Pourtant les PME traditionnelles démontrent une certaine réticence à s’emparer de ces politiques de soutien. Il est donc impératif d’aider à l’adoption de ces dispositifs auprès de ces PME.
Comment aller plus loin pour accompagner les PME traditionnelles sur la voie de l’innovation ?
Une voie envisagée très tôt concerne les Organismes de Recherche et Technologie (ORT). Comme de nombreux autres instituts de recherche non universitaires, financés en partie par des fonds publics, les ORT sont à l’avant-garde depuis de nombreuses années de la mise en place d’initiatives de soutien à l’innovation des PME. Malgré de nombreuses initiatives nationales, la collaboration entre PME et ORT reste complexe à mener dans son intégralité. Des barrières structurelles, liées aux typologies des entités – ORT et PME – empêchent certaines collaborations.
Barrières internes
Organisations strictes, peu agiles et peu orientées PME (par ex. processus contractuels complexes)Forte spécialisation dans des secteurs stratégiques (énergie, défense, santé, etc.).
Barrières externes
Inadéquation entre politiques de recherche nationales et besoins des PME
Stratégie d’innovation peu définie, conduite du changement non structurée, ressources financières et humaines limitées, méconnaissance des processus d’innovation
Augmentation des coûts et diminution des revenus (baisse du CA, perturbation des approvisionnements, retards de paiement, etc.).
En France, l’un de ces grands ORT est le Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA). Dans le cadre de ses missions, le CEA crée et utilise des centres d’innovation technologique – appelés Y.SPOT – pour stimuler l’innovation dans différentes régions de France, avec un focus particulier sur les PME, technologiques et traditionnelles.
Unique dans ses activités focalisées sur les PME, la mission du Y.SPOT du CEA est d’accompagner les PME dans leur positionnement technologique. Il leur permet de bénéficier de manière ciblée de l’expertise technologique de l’ORT et de rendre leur démarche d’innovation plus pertinente.
Le Y.SPOT aide les PME à s’engager dans l’innovation, en déployant un ensemble de mécanismes pour accompagner les PME depuis la construction de leur stratégie d’innovation jusqu’au développement de nouvelles solutions à forte valeur ajoutée.
Apport de poches de connaissances technologiques
Meilleure définition des projets R&D
Mettre à disposition les technologues et technologies du CEA, mobiliser le meilleur état de l’art technologique français pour soutenir l’innovation des PME
Co-concevoir et mettre en œuvre des solutions via des processus d’innovation éprouvés et rechercher la solution la plus adaptée en s’appuyant sur l’expertise des PME et des tiers de confiance
Accompagner les PME sur des projets d’innovation en s’adaptant à leur stratégie d’entreprise et leur capacité à transformer ces démarches d’innovation
Élaborer les stratégies d’innovation des PME en lien avec leurs ambitions et capacités
Construire des problématiques en phase avec les besoins et les marchés visés
Explorer l’ensemble des voies d’innovation
Développer des concepts de solutions technologiques
Valider la proposition de valeur avec une preuve de concept produit
Définition de programmes R&D précis et en phase avec les ambitions de l’entreprise
Identification de partenaires pour accompagner le développement de solutions
Étude de marché et prospection commerciale ciblées
Aide à l’identification des guichets de financement dédiés à l’innovation et la R&D
Meilleure opinion sur la collaboration avec un ORT
Réassurance sur leurs projets d’innovation
Ce nouvel outil permet aux PME de construire de manière proactive et concertée de meilleures stratégies d’innovation pour atteindre leurs objectifs. Il les aide à comprendre leur potentiel d’innovation en lien avec leurs capacités. Les différentes phases de l’accompagnement proposées par le Y.SPOT (analyse stratégique, exploration, idéation, …) mènent à une meilleure définition des programmes R&D adaptés à leurs ambitions. L’identification de partenaires clés et de potentielles sources de co-financement complètent le panel de services permettant à l’entreprise de prendre des décisions.
L’analyse rétrospective des différents accompagnements menés par le Y.SPOT a permis d’observer une transformation de ces PME en matière d’Orientation Entrepreneuriale, concept que nous étudions désormais de manière plus approfondie.
L’orientation entrepreneuriale (OE) est l’ensemble des processus, pratiques et activités de prise de décision qui mènent à de nouvelles entrées en termes de marchés, de produits et de services. Il concerne la propension des PME à s’engager dans l’innovation, la prise de risques et la recherche proactive d’opportunités(9).
La proactivitéRelative à la capacité de l’entreprise à initier une compétitivité agressive par des comportements proactifs
L’esprit d’innovationConcerne la capacité de l’entreprise à accommoder de nouvelles génération d’idées, l’expérimentation et la créativité comme source d’avantage compétitive
La prise de risqueVolonté de prendre des engagements énormes et risqués dans une activité d’innovation
“With CEA, we try to imagine the future for our company…the goal was to reach a point where we have a proof of concept. But the POC could be more of concept of the business, like the business idea proven in terms of figures, market size, and required investment.”
— Richard BOUDINOT, Président de Clix Industries
“This credibility from CEA is really efficient to create a consortium… because they were also able to help us to get financing for the project. It’s not only about the technical issues, but it’s also the capabilities of getting funds.”
— Laurent RIVIERE, CEO de Sunbirds
Cette étude suggère que le Y.SPOT permet d’augmenter l’Orientation Entrepreneuriale des PME au fur et à mesure des accompagnements. Le Y.SPOT offre un modèle de référence sur la façon dont un ORT peut offrir des activités intermédiaires d’innovation pour réduire les obstacles à la collaboration avec ses PME partenaires.
Nous poursuivons nos investigations en étudiant le style de management distinctif, les stratégies, les configurations organisationnelles, les initiatives d’entrée, etc., des PME pour l’innovation.
Pour les organismes de recherche technologique (ORT) comme le CEA, nous continuons d’examiner comment l’offre de soutien externe aux processus d’innovation des PME modifie leurs activités internes de R&D, leurs processus de création et de transfert de connaissances et de technologies.
Article écrit par Prince Gilbert FIALOR, Centre de recherche, TBS Education, Toulouse, France sous la direction de Michaël LAVIOLETTE et Amadou LÔ., Maxime ROUSSEAU et Clotilde DE MARCILLAC, Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives, Labège, FranceL’auteur tient à remercier l’apport de l’équipe Y.SPOT Occitanie du CEA pour l’accès aux données.
(1) Bertello, A., Ferraris, A., De Bernardi, P., & Bertoldi, B. (2021). Challenges to open innovation in traditional SMEs: an analysis of pre-competitive projects in university-industry-government collaboration. International Entrepreneurship and Management Journal, 1-16.(2) Reboud, Mazzarol, & Soutar, 2014; Hirsch-Kreinsen, Hahn & Jacobsen, 2008(3) Dooley et O’Sullivan 2018(4) European Commission SPR report on SMEs, 2020/2021(5) European Court of Auditors, Horizon 2020(6) European Commission, 2008(7) Source : European Commission SPR report on SMEs, 2020/2021; Eurostat, 2022(8) Bertello, Ferraris, De Bernardi & Bertoldi, 2021; Dooley & O’Sullivan, 2018(9) Ferreras-Méndez et al., 2021; Wales et al., 2021
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