Deuxième résultat du projet de recherche “RIO-PME” entre le CEA et TBS Education

TBS Education étudie les rôles et les impacts émergents du nouvel outil d’innovation ouverte du CEA, le Y.SPOT, afin d’améliorer la collaboration entre les organisations de recherche technologiques et les PME.

Sortir des silos de pensée

Le piège de compétences

Notre première étude a montré que les PME perçoivent le CEA comme un acteur compétent pour résoudre leurs problèmes, et pas uniquement comme un acteur hyperspécialisé dans ses domaines souverains. De même, un ORT comme le CEA perçoit positivement les collaborations avec les PME, depuis plus de 10 ans et ses implantations régionales. Pour autant, ces collaborations peinent à se développer. Comment l’expliquer ? Une piste explorée dans cette deuxième phase du projet de recherche RIO-PME est le piège de compétences, une situation dans laquelle les acteurs privilégient des activités connues à court terme plutôt que des activités prospectives à long terme (Denrell & Le Mens, 2020).

Au sein d’une organisation scientifique, les chercheurs peuvent avoir des idées spécifiques pour l’application initiale d’une technologie avant son développement concret. Ainsi, une technologie est développée dans le cadre de l’idée applicative initiale, sans nécessairement prendre en compte d’autres scénarios applicatifs. Cela peut limiter l’applicabilité de cette technologie probablement en raison d’un manque d’informations adéquates sur les filières applicatives, et notamment leurs besoins technologiques, fonctionnels, réglementaires, etc. Une des explications aux freins à la collaboration entre PME et le CEA réside dans le piège de compétences.

Le centre d’innovation Y.SPOT comme levier d’action

Le Y.SPOT est un exemple de dispositif interne au CEA visant à approfondir les collaborations de recherche avec les PME, en permettant l’émergence de nouveaux cas d’application pour les briques technologiques initialement développées par les laboratoires de l’ORT.

Il ressort de notre étude que la collaboration interne entre le Y.SPOT et les laboratoires apporte à ces derniers une approche différente des cas applicatifs envisagés initialement. Les briques technologiques peuvent ainsi être mobilisées dans le cadre des accompagnements du Y.SPOT dans des contextes d’application jusqu’alors encore insoupçonnés par les chercheurs, poussant ainsi le développement technologique dans des nouvelles voies. Autrement dit, la valeur du Y.SPOT pour la génération de valeur interne du CEA est mieux comprise au travers de deux contributions principales :

  1. L’extension des connaissances et des insights sur les filières applicatives éloignées des domaines souverains du CEA ;
  2. L’expansion de l’application des connaissances et des technologies développées par les laboratoires du CEA.

Des projets de recherche avec des PME comme source de créativité

Extension des connaissances et insights sur les filières applicatives éloignées des domaines souverains du CEA

Dans le cadre de la collaboration entre le CEA et une PME de l’agroéquipement, le développement d’un procédé pour utiliser l’urine de vaches à des fins de culture de microalgues (extraction de l’urée pour produire de l’azote) semble intéressant et nouveau pour les membres de la « Plateforme Microalgues » au CEA. Les chercheurs du laboratoire n’avaient pas pensé à la manière dont de tels processus pouvaient être développés avant cette collaboration, et sont donc enthousiasmés d’explorer ce nouveau domaine. L’analyse révèle que cette exploration apporte des domaines d’application concrets pour les connaissances et les experts du CEA sur la plateforme Microalgues, certains y voyant des potentiels de publications ou même des opportunités de brevet. Les connaissances échangées et créées dans le cadre de cette collaboration où le Y.SPOT est l’acteur central de la collaboration permettent au laboratoire de rechercher différentes manières de développer le procédé, générant de nouvelles connaissances dans le contexte de l’application.

« … [l’entreprise] ne fait pas partie de notre réseau, car ils ne font actuellement pas de recherche ou de production d’algues, ils se sont d’abord rendus sur la plateforme CEA de Nantes… Et étant donné leur portefeuille d’activités, ils étaient conscients qu’il y avait un potentiel dans les microalgues. Nous avons donc établi un lien direct entre la plateforme de Nantes et notre plateforme de recherche ici à Cadarache. Étant tous dans la même salle, il était donc facile d’échanger sur les plusieurs approches tous ensemble… Pas chacun dans son silo ; moi plaidant à la fois pour la microbiologie et la chimie. C’était donc intéressant, et je pense que cela a également aidé [l’entreprise]. »

— Chercheur Spécialisé Microalgues, CEA

Expansion de l’application des connaissances et technologies développées par le CEA

Dans le cadre de la collaboration avec une PME du loisir/santé, l’utilisation de la technologie ExpressIF® du CEA pour rationaliser la prise de décision dans le processus d’innovation de l’entreprise est un exemple typique de l’expansion de l’application fonctionnelle de la technologie du CEA au-delà de son usage initialement envisagé. ExpressIF®, une technologie d’IA symbolique pour l’aide à la décision explicable développée au CEA , est adaptée et appliquée dans notre projet à un nouvel usage : la facilitation de la mise en relation client-partenaire dans le processus de diversification des activités de l’entreprise. Dans ce cas par exemple, nous constatons que la relation établie avec le soutien de Y.SPOT conduit à de nouvelles applications d’une technologie du CEA, en dehors de son utilisation ou application prévue.

« Donc, au départ, c’était pour la sécurité, mais finalement dans le système ExpressIF®, nous avons un moteur d’inférence qui peut appliquer les connaissances sur l’observation, mais la base de connaissances peut être différente dans chaque application. Ainsi, vous changez la base de connaissances, et vous avez une nouvelle application… Avec [ce partenaire industriel], nous avons récemment fait de la prospection. Ils ont une liste de partenaires potentiels et ils veulent faire correspondre cette liste avec leurs propres clients… Donc, nous utilisons ExpressIF® pour faire correspondre le client et ce qu’il peut faire avec la liste des partenaires potentiels. Nous avons donc totalement automatisé cela avec ExpressIF®».

— Ingénieur-Chercheur Spécialisé en IA, CEA

Vers une dynamique de recherche décloisonnée

En conclusion, l’application non conventionnelle des technologies développées par les laboratoires du CEA est l’une des contributions clé du Y.SPOT dans la génération de valeur interne du CEA. Par ses activités de résolution de problèmes, le Y.SPOT facilite l’exploration de nouveaux cas d’utilisation de ces technologies. Cela permet de trouver des applications hors des sentiers battus que les laboratoires internes du CEA pourraient difficilement concevoir autrement. Pour les laboratoires, ces nouvelles collaborations ouvrent des nouvelles pistes d’application des connaissances et des technologies, leur permettant d’entreprendre des recherches interdisciplinaires et générer des connaissances appliquées plus variées. Une conséquence directe de cette activité est de dynamiser les équipes de recherche en décloisonnant leurs champs d’application initiaux.


Article écrit par Prince Gilbert FIALOR, Doctorant au sein du TBS Education Research Centre, Toulouse, France sous la direction de Michaël LAVIOLETTE et Amadou LÔ.

Les auteurs remercient tous les informateurs du CEA et des PME qui ont participé aux entretiens, partagé des documents essentiels et recommandé à d’autres personnes de participer à l’étude. Nous remercions également toute l’équipe du Y.SPOT Occitanie pour l’accès à ses installations et son encadrement pédagogique.


Sources

  • Denrell, J., & Le Mens, G. (2020). Revisiting the competency trap. Industrial and Corporate Change, 29(1), 183-205. Available here ›
  • De Silva, M., Howells, J., & Meyer, M. (2018). Innovation intermediaries and collaboration: Knowledge–based practices and internal value creation. Research Policy, 47(1), 70-87. Available here ›
  • Giannopoulou, E., Barlatier, P. J., & Pénin, J. (2019). Same but different? Research and technology organizations, universities and the innovation activities of firms. Research Policy, 48(1), 223–233
  • Miles, M. B., & Huberman, A. M. (1984). Drawing valid meaning from qualitative data: Toward a shared craft. Educational researcher, 13(5), 20-30. Available here ›

yspot