Louise Curran, Professeur de Marketing et International Business :

Tout le monde s’attendait à ce que Trump se retire (des accords de Paris). C’est complètement cohérent avec sa vision du monde. L’Union Européenne et la Chine (ainsi que le reste du monde) vont continuer avec les compromis accordés en 2015 et, de cette façon, des « emplois verts » seront créés dans ces pays-là. Dans quelques années, les Etats-Unis vont se réveiller avec un nouveau gouvernement et ils se rendront compte qu’ils « ont marqué un but spectaculaire contre leur propre camp », en voulant sauver quelques emplois dans les mines de charbon et en laissant partir ailleurs beaucoup plus d’emplois (mieux payés et de meilleure qualité) dans le secteur de l’énergie solaire et éolienne. Leur perte est notre bénéfice, économiquement parlant, mais la planète va certainement se dégrader à cause de cette décision. 

Delphine Gibassier, Professeur de Contôle de Gestion, Comptabilité et Audit :

L’abandon des accords de Paris pourrait avoir des conséquences inverses à celles que Trump espère. En fait, il y a deux tendances qui jouent en faveur des actions pour le climat et contre les négationnistes du changement climatique. En premier lieu, les investisseurs et les consommateurs sont devenus très actifs et ont provoqué de nombreux changements dans les entreprises, durant ces 15 dernières années. Malgré le fait que beaucoup de pays (et pas seulement les US) n’ont pas appliqué certaines régulations, la tendance est généralisée et traverse les frontières. En second lieu, ce grand pas en arrière est un élément clé pour la résistance et l’appelle à l’action des sociétés, des entreprises, des gouvernements locaux, des communautés scientifiques et des citoyens. De la même façon, nous ne pouvons pas oublier que beaucoup des bonnes pratiques en termes de changement climatique sont nées aux Etats-Unis : le standard global pour la comptabilité carbone dans les entreprises, le GHG Management Institute et le premier Master en Comptabilité carbone qui a ouvert au Colorado il y a quelques années ; et tout ça, même si les gouvernements précédents n’ont pas toujours soutenu les actions pour le climat.

Notre recherche démontre que les moteurs des actions pour le changement climatique ne sont pas nationaux mais globaux. Ils poussent les entreprises à agir, sans égard à la position de leur gouvernement. Cela se confirme par exemple par la naissance au niveau mondial, de la profession de Comptable environnemental, qui est en pleine croissance dans différents pays, et ce avec ou sans le soutien de leurs gouvernements, ou encore, avec ou sans législation spécifique. 

Gilles LAFFORGUE, Professeur d’Economie, specialisé en changement climatique :

L’annonce par Trump du retrait des Etats-Unis – le deuxième pays émetteur de CO2 après la Chine – de l’Accord sur le Climat signé à Paris en 2015 provoque, sinon un vent d’inquiétude, du moins un raz-de-marais de consternations de la part de la communauté internationale.

Dans les faits, ce retrait est toutefois à relativiser au regard du niveau d’engagement, somme toute assez modeste, en matière de réduction des émissions qu’avaient pris les Etats-Unis il y a 2 ans. Il n’est donc absolument pas certain que l’on assiste dans les mois à venir à un accroissement soudain des concentrations de CO2 dans l’atmosphère. Ceci est d’autant plus vrai qu’aux Etats-Unis, les politiques environnementales sont rarement menées au niveau fédéral et que chaque état a au contraire une certaine latitude dans leur pilotage. Or, bon nombre de ces états ont d’ores et déjà annoncé de prendre à  contre-pied la décision de l’administration Trump et de poursuivre leurs efforts de de réduction des émissions carbonées comme ils s’y étaient engagés.

En outre, en affirmant agir ainsi pour venir en aide au secteur de l’extraction charbonnière et aux industries lourdes de la Rust Belt, les Etats-Unis soutiennent dans les faits l’activité-type du 19ème siècle, voire du 20ème, qui sont par nature les moins productives. A titre d’illustration, vouloir rendre à nouveau compétitif le charbon américain face à d’autres sources d’énergie primaire dont les prix ont fortement chuté ces dernières années (notamment le gaz, nettement moins polluant, mais aussi l’énergie solaire) nécessiteraient d’importants investissements et un recours aux subventions publiques qui au final, ne feraient qu’alourdir la facture pour les américains.

Donc si les risques de l’imminence d’une catastrophe climatique ne sont pas forcément accrus suite à ce retrait, on peut néanmoins déplorer un gaspillage d’énergie et une perte de temps par ailleurs précieux face à l’importance de ces enjeux. Mais les véritables perdants dans l’histoire sont sans aucun doute les pays en développements les plus vulnérables face aux bouleversements climatiques. En effet, en suspendant toute contribution au programme d’indemnisation de ces pays qui avait été mis en place par la COP 21, Les Etats-Unis ne font qu’aggraver encore un peu plus leur situation déjà précaire. 

‹ Actu précédente Actu suivante ›