Tribune. Dans un communiqué commun, les deux entreprises ont indiqué qu’elles fusionnaient pour créer « un champion européen de la mobilité » « entre égaux ». Le siège se situera en France et l’actuel PDG d’Alstom deviendrait le patron du nouvel ensemble.
En réalité, l’opération proposée consacre le rachat d’Alstom par Siemens, puisque Siemens occupera six sièges d’administrateurs sur onze et que l’entreprise disposera de bons de souscription d’actions Alstom, ce qui lui permettra de monter à 52 % du capital du nouvel ensemble dans quatre ans.
Est-ce que cela fait d’Alstom le perdant ?
Siemens est plus rentable qu’Alstom même si les chiffres d’affaires sont comparables. Avec 7,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, sa marge opérationnelle est de 8,8 %, alors que la marge d’Alstom est de seulement 5,8 % pour un chiffre d’affaires de 7,3 milliards. Certes, Alstom a un carnet de commandes plus garni que Siemens, mais Siemens est le numéro un mondial de la signalisation, que l’on considère comme l’activité stratégique du ferroviaire.
Le potentiel de croissance de la signalisation est en effet supérieur à celui du matériel roulant car un système de signalisation évolué permet d’augmenter la sécurité avec une réduction de l’intervalle entre deux trains. Il est donc assez logique que Siemens soit le pilote de la nouvelle entreprise commune.
Est-ce qu’Alstom pouvait rester seul maître de sa destinée ?
China Railway Construction Corporation est le leader mondial du secteur avec un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros, soit deux fois le poids des activités ferroviaires du futur Alstom-Siemens. Dans un marché mondialisé où la taille et les économies d’échelle sont décisives, quelle aurait été la destinée d’une entreprise isolée, et que va d’ailleurs devenir Bombardier, avec qui Siemens avait d’abord envisagé de fusionner ?
Cependant, on peut se demander si, à l’époque de la vente des activités « énergie » d’Alstom à General Electric, les Français n’auraient pas dû plutôt choisir Siemens. Celui-ci proposait alors de céder ses activités de construction ferroviaire, tout en conservant la signalisation. L’ancien patron d’Alstom Patrick Kron avait refusé, mais le gouvernement aurait pu l’imposer. Patrick Kron avait « vendu » son deal avec GE comme étant le moyen d’assurer l’avenir d’un Alstom indépendant…
Quelles sont les conséquences pour les deux entreprises ?
Des synergies annuelles de 470 millions d’euros sont attendues au plus tard quatre ans après la réalisation de l’opération, et l’accord de fusion assure le maintien des emplois pendant quatre ans en France. Malheureusement, on sait ce que vaut ce type d’engagement. Si les entreprises recherchent des économies d’échelle, elles voudront mutualiser leurs investissements et fermer peut-être à moyen terme les sites les moins rentables. Siemens et Alstom vont aussi devoir obtenir le feu vert de la DG Concurrence de la Commission européenne qui va analyser, marché par marché, les éventuels abus de position dominante.
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